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Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/106

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raissent comme des nains, on ne peut s’empêcher de jeter un cri de surprise.

Le pouvoir d’eau du Saint-Maurice, à la Grand’Mère, est évalué à cinquante mille forces de chevaux ; quand les travaux seront terminés, on pourra disposer de telle partie de ces forces que l’on voudra. M. Scott qui dirige ces immenses travaux, disait à Monseigneur que la Compagnie veut établir la plus grande manufacture de pulpe de l’Amérique. Certes, je n’ai pas de peine à le croire. Mais on ne se contentera pas, sans doute, de manufacturer de la pulpe, on fera aussi du papier de toute sorte. Un village va certainement surgir autour de la manufacture.

Cependant vous brûlez, mon cher lecteur, d’entendre parler de la chute, et d’apprendre enfin pourquoi on l’appelle de ce nom singulier de Grand’Mère. Allons, ne soyez pas si impatient, j’arrive au moment de vous satisfaire.

Quittez donc les bords du canal et venez près de la rivière. Vous voyez ce rocher étroit qui se tient au milieu de la chute pour la diviser en deux parties, et qui est comme un défi lancé au Saint-Maurice. Regardez maintenant sur l’angle de ce rocher : vous voyez bien distinctement, n’est-ce pas ? les traits d’une vieille personne ; vous remarquez ses yeux, son nez, son menton en galoche ; mon ami, saluez la Grand’Mère. Elle est là depuis des siècles, nouvelle femme de Loth, dans son manteau de pierre, regardant tranquillement venir les flots rapides du Saint-Maurice. Ces flots ont bien hurlé autour d’elle, ont cherché bien des fois à la précipiter dans les ondes : elle est là, et telle que nos pères l’ont vue, nous la voyons. Vous pouvez aller sur ce petit rocher, ou plutôt cet îlot de pierre ; de là vous verrez plus facilement les deux chutes. Celle qui est à droite du rocher, en regardant l’embouchure du fleuve, c’est la Grand’Mère ; et l’autre, celle de gauche, c’est naturellement le Grand-Père. Comme il est aisé de le comprendre, le Grand-Père est plus fort que la Grand’Mère. Maintenant venez, passons à la droite du canal, puis descendons en bas du rocher : voyez quelle anse magnifique vous avez sous les yeux. Mais