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En attendant le train des Piles, Monseigneur prend beaucoup d’intérêt à examiner le travail qu’on exécute dans le lac à la Tortue.

Ce lac a quelque chose de particulier : c’est comme un réservoir où il se fait encore actuellement des dépôts considérables de mine de fer, je veux dire de cet oxyde de fer qu’on appelle limonite ou fer hydroxydé. Les messieurs Hall ont mis un dragueur sur le lac, ils peuvent ainsi enlever la limonite du fond de l’eau, et la recueillir dans ces chalands qu’on appelle proprement des maries-salopes. Quand une marie-salope est remplie, un petit bateau à vapeur l’emmène à la tête du lac. Les rails d’une voie d’évitement ont été posés juste au bord de l’eau, et en cet endroit on a élevé une noria, c’est-à-dire une machine composée d’une courroie sans fin portant des godets et s’enroulant sur deux tambours. Ces tambours sont mus par la vapeur d’une scierie située à deux ou trois arpents de là. Quand donc la noria est en mouvement, un ouvrier prend la limonite à pleine pelle et la jette dans les godets. Les godets passent sur le tambour supérieur, se renversent et déchargent leur contenu dans un wagon placé là tout exprès. Le train des Piles vient prendre les wagons remplis, et les conduit aux Forges Radnor. Nous emportons un spécimen de cette limonite pour le cabinet de minéralogie du Séminaire des Trois-Rivières.

Mais voici que le train nous arrive. La seule voiture destinée aux voyageurs est divisée en deux compartiments, celui de première et celui de seconde classe ; il est superflu de dire que nous montons en première classe : Monseigneur lui-même avait acheté les billets pour tous ceux de sa suite, et Sa Grandeur ne fait jamais des politesses de seconde classe, tout le monde le sait.

Nous arrivons à Saint-Maurice, paroisse de M. Prince ; notre aimable compagnon nous quitte donc. Certes, nous aurions été heureux de l’emmener avec nous jusqu’au terme du voyage, mais sa vieille mère de quatre-vingt-sept ans le demande ce soir même, il serait cruel de tromper cette attente.