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horte ses gens avec une harangue toute chrétienne, mettant sa confiance en Dieu ; chacun se résolut à vaincre ou à mourir. Aux approches, cet ennemi se trouva être imaginaire, mais les sentiments de dévotion étaient solides dans leur cœur, et je puis dire en vérité que je n’ai jamais vu une confiance en Dieu ni plus forte ni plus filiale. »

La fausse alarme qui fit voir chez les Attikamègues une piété si sincère dut être donnée un peu au delà de la montagne des Maurices.

« Le quatrième jour, je dis la sainte messe dans une petite île qui eut le bonheur de recevoir cet adorable sacrifice, qui fut le premier offert à Dieu en ces contrées. Pour ce sujet, ces bons chrétiens firent une salve d’escopetterie après l’élévation du Saint Sacrement, et, ensuite de leurs dévotions, un festin de blé-d’Inde et d’anguilles. Pour toutes provisions de plus de quarante personnes que nous étions, nous n’avions qu’environ deux boisseaux de farine de blé-d’Inde, un de pois et un petit sac de biscuits de mer. La difficulté de traîner des vivres nous avait obligés de n’en prendre pas davantage, outre que nous espérions de faire quelque chasse en chemin ; — mais elle ne fut pas telle qu’il nous eût été nécessaire, à peine eûmes-nous ce qu’il fallait plutôt pour éviter la mort que pour soutenir notre vie. Pour moi, j’avais assez de mon petit meuble ; le chemin, la lassitude et le jeûne, que je ne désirais pas rompre au temps de la Passion, ne me permettaient pas de me charger de vivres. Dieu néanmoins me donna plus de courage qu’à un jeune homme que j’avais emmené avec moi, lequel succomba sous le poids et fut contraint de nous abandonner pour s’en retourner avec deux femmes Algonquines, qui nous quittèrent deux jours après. »

La première messe dans les Territoires du Saint-Maurice fut donc dite le 30e jour de mars de l’an 1651, tout probablement dans l’île aux Bouleaux. Les fervents chrétiens qui l’entendaient firent à cette occasion une salve d’escopetterie, c’est-à-dire des décharges de carabines ; cela ne vous rappelle-t-il pas, comme à moi, ce qui vient de se passer, sur les bords de ce même