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Saint-Maurice, pendant la visite épiscopale ? Vous voyez que l’on suivait de glorieuses et très-anciennes traditions.

« Le cinquième et le sixième jour furent bien différents, et néanmoins tous deux semblables pour la fatigue des chemins ; le premier fut tout pluvieux, et le suivant fort beau, mais l’un et l’autre étaient fort incommodes, à cause que les neiges fondues aux rayons du soleil chargeaient nos raquettes et nos traînes ; pour éviter cela, il fallut les dix jours suivants partir de grand matin, avant que les glaces et les neiges fondissent. »

À la fin de cette sixième journée, on devait être plus loin que la Rivière-aux-Rats.

« Le septième jour, nous marchâmes depuis les trois heures du matin jusqu’à une heure après-midi, afin de gagner une île pour dire la sainte messe le jour des Rameaux ; je la dis, mais vraiment portant sur moi une partie des douleurs de la Passion de notre bon Maître, et dans une soif qui attachait ma langue au palais de ma bouche. La surcharge qu’il m’avait fallu prendre après que mon compagnon m’eût quitté, avait aussi accru mes peines : ces bons chrétiens qui avaient reconnu ma faiblesse durant la messe, me réconfortèrent d’une sagamité faite pour moi seul, d’une poignée de galette bouillie dans l’eau, et de la moitié d’une anguille boucanée. Après le dîner, nous dîmes les prières publiques au lieu de Vêpres, chacun avait marché le chapelet en main, le récitant en son particulier. »

Cette seconde messe fut dite, croyons-nous, dans l’île aux Goélands, à une petite distance de La Tuque.

Qu’il est beau, mes chers lecteurs, qu’il est édifiant de voir ce saint missionnaire au milieu d’un voyage si long et si pénible, rester strictement à jeun, parcequ’on était au temps de la Passion ! Qu’il est touchant de le voir jeûner jusqu’à une heure après-midi, malgré des fatigues incroyables, malgré les horreurs d’une soif dévorante, pour pouvoir dire la messe à de pauvres sauvages au dimanche des Rameaux ! Et ces sauvages, n’est-ce pas un spectacle admirable de les voir le cha-