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santé. Nous fûmes de retour aux Trois-Rivières le 18 du mois de juin.

« J’espère au printemps prochain faire le même voyage, et pousser encore plus loin, jusqu’à la mer du Nord, pour y trouver de nouveaux peuples et des nations entières, où la lumière de la foi n’a jamais encore pénétré. »

La rivière par laquelle le Père revint, dit Benjamin Sulte, est ici clairement indiquée. C’est la rivière Matawin qui n’est qu’un torrent épouvantable d’un bout à l’autre, si bien qu’en un certain endroit où nos voyageurs sautent en canots, cinq lieues se font en trois quarts d’heure, chose incroyable mais vraie pourtant. Les voyageurs l’appellent la rivière de l’Enfer, tant elle est affreuse.

Le bon Père Buteux ne se reposa guère de ses longues fatigues : dès le 26 juin il s’en va à Québec, puis à Tadoussac, puis à Gaspé et jusqu’à l’île Percée ; il était insatiable du bien des âmes. De retour aux Trois-Rivières à la fin de l’automne, il reçut une nouvelle qui lui brisa le cœur : les Iroquois avaient pénétré chez les Attikamègues ! « Cette croix m’a été d’autant plus sensible, » écrivit-il au Père Ragueneau, « que plus je me trouvais coupable de la perte de quelques catéchumènes morts sans baptême, et que j’avais plus sujet de m’attrister du massacre de quelques braves néophytes, qui avançaient mille fois plus que moi le Christianisme parmi les peuples que Dieu m’a donné en charge.

« Les Iroquois, continue-t-il, sont entrés dans le pays des Attikamègues, jusqu’au lac nommé Kisakami ; je n’aurais jamais cru qu’ils eussent pu trouver ni aborder ce lac avec leurs canots : nous marchâmes environ vingt jours sur les neiges, au voyage que j’ai fait en ces contrées, avant que de le rencontrer ; la longueur des chemins, les courants d’eau, les torrents horribles et très fréquents, n’ont pas empêché que ces barbares n’aient été surprendre vingt-deux personnes dans les ténèbres de la nuit. Il n’y avait que trois hommes dans leur cabane qui se sont défendus vaillamment, tous les autres n’étaient que des femmes et des en-