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fants, qui après la mort de ces trois braves combattants ont été liés et garottés, et entraînés comme des victimes, au pays des feux et des flammes.

« Une cabane voisine, remplie de femmes dont les maris étaient allés à la chasse, entendant le bruit du combat, et les cris et les gémissements de leurs victimes, se sauvèrent à la faveur de la nuit ; leurs maris retournant de la poursuite des bêtes, furent bien étonnés de voir leurs compatriotes massacrés et leurs femmes en fuite. Se doutant bien qu’elles auraient tiré vers nos quartiers, il sont venus chercher le même asile. »

Le bon père s’occupa du sort de ces malheureuses victimes, il fut question de les envoyer à Sillery, mais elles préférèrent rester aux Trois-Rivières.

Le printemps arrivé, les Attikamègues voulurent retourner en leur pays, et ils sollicitèrent vivement le père Buteux de les y suivre de nouveau. C’est qu’ils avaient envoyé des présents de porcelaine à des peuples plus éloignés, en gagnant vers le nord, et que ces peuples encore infidèles leur avaient promis de se trouver sur les pas du père Buteux, afin d’entendre la parole évangélique. Le bon père avait donc une moisson toute préparée ; il n’hésita pas à entreprendre le voyage, y eût-il mille vies à perdre et mille Iroquois sur le chemin. La veille de son départ il écrivit la lettre suivante au père Ragueneau :

Mon Révérend Père,

« C’est à ce coup qu’il faut espérer que nous partirons, Dieu veuille que les résolutions soient fermes, et qu’enfin nous partions une bonne fois, et que le ciel soit le terme de notre voyage. Hæc spes reposita est in sinu meo. Notre équipage est faible, la plupart d’hommes languissants, ou de femmes et d’enfants, le tout environ soixante âmes. Les vivandiers et les provisions de cette petite troupe sont entre les mains de celui qui nourrit les petits oiseaux du ciel. Je pars accompagné de mes misères, j’ai grand besoin de prières, je demande en toute humilité celles de