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fallu m’arracher, pour ainsi dire, des bras de ces bons Sauvages. Jamais encore, depuis trois ans que je les vois, je n’ai eu autant que cette année, de preuves de leur foi et de leur attachement au missionnaire. Ils se sont tous embarqués avec moi à mon départ sur de grands canots de la Compagnie ; ils avaient tous à la main de petites oriflammes, et le chef portait un grand et magnifique drapeau national ; leurs meilleurs joueurs de violon relevaient la cérémonie par leurs accords, et tous ensemble nous descendîmes le fleuve pendant quatre milles, en chantant des cantiques d’action de grâces. Au premier portage nous allions nous séparer, mais ce ne fut pas sans verser des larmes. Tous, les uns après les autres, venaient me donner la main, baiser ma croix et me dire à l’oreille quelques petits mots qui avaient une intention particulière : « Va, mon père, je ne serai plus négligent pour observer ponctuellement tout ce que tu nous as appris. » Un autre : « Je prendrai bien soin de mes enfants, je leur ferai aimer le bon Dieu. » Enfin, me voyant embarqué, ils se sont tous placés sur les cailloux au bord du fleuve, m’ont souhaité un heureux voyage et n’ont cessé d’avoir les yeux sur moi et de faire résonner une volée continuelle de coups de fusil jusqu’à ce que j’eusse disparu à leurs regards. Veuille notre bonne mère immaculée leur conserver toujours ces bons sentiments ! »

Le bon père Déléage fait ensuite mention de La Tuque : « Deux jours plus tard, dit-il, j’arrivai à La Tuque. J’y fis encore une petite mission à deux familles indiennes, six familles métisses, deux canadiennes et une française. Tous ceux qui se trouvaient dans les bois, soit sauvages, soit ouvriers travaillant dans les fermes des maîtres de chantiers, vinrent camper au rapide et j’y séjournai trois jours. Là aussi je n’ai eu qu’à louer le zèle de tout le monde à assister aux réunions que nous faisions trois fois par jour, à rendre grâces à Dieu des bénédictions. qu’il répandait sur ces pauvres gens, qui vivent si éloignés de toute église et de toute civilisation. »

Les Oblats de Marie avaient accepté la desserte