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Et quand il les avait ainsi réjouis, quand il leur avait ouvert le cœur, il parlait de choses sérieuses, de la plus sérieuse de toutes, du salut de leurs âmes. Il y avait donc alors instruction comme à l’église et ensuite, dans un coin du chantier, le missionnaire entendait les confessions. Cela prenait une partie de la nuit, car il n’y avait pas moins de soixante hommes par chantier. Plusieurs, après s’être préparés, se couchaient tout vêtus, et quand venait leur tour, le voisin les éveillait pour qu’ils pussent se confesser.

Le chantier ou, si vous l’aimez mieux, le camp où cette scène se passait était une maison en bois rond, couverte artistiquement de branches de sapin, d’écorce de bouleau et de terre. Je dis artistiquement, car ne réussit pas qui veut à couvrir un camp de manière qu’il soit chaud et que la pluie n’y pénètre pas. Autour de cette maison, il y a des lits de camp placés les uns au-dessus des autres. On a de bonnes couvertures en laine dans ces lits, mais les matelas sont en branches de sapin qu’on doit changer de temps en temps sous peine de n’y pouvoir plus dormir.

Le missionnaire prenait un de ces lits pour se reposer quelque temps, puis à quatre heures du matin il fallait se lever pour dire la messe. Les ouvriers entendaient la messe, ils déjeunaient ensuite, et à six heures ils retournaient à l’ouvrage. Le missionnaire déjeunait à son tour, et il se préparait à prendre la route d’un autre chantier.

Dans les premiers temps, M. l’abbé Proulx n’était pas toujours le bienvenu : il y avait là des hommes qui n’avaient pas voulu se confesser avant de quitter leur paroisse, et qui, par conséquent, n’étaient guère charmés que le prêtre allât les poursuivre au fond des bois ; mais tous prirent goût à ces visites du prêtre, et il arriva bientôt que si M. Proulx, pour une raison ou pour une autre, partait sans faire visite à un chantier, tous les hommes de cette brigade se montraient attristés et même offensés.

Après m’avoir entendu, ami lecteur, vous trouverez peut-être que l’emploi de missionnaire des chan-