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se faisaient dans le chantier, on n’apercevait plus que le blanc surplis du missionnaire, et l’on n’entendait que les soupirs des pécheurs repentants, et le faible murmure de leur accusation à l’oreille du prêtre.

Le matin, après trois heures données au sommeil, le missionnaire était debout. On élevait un autel rustique, la messe se disait, et ces rudes bûcherons s’approchaient tous de la communion. L’action de grâces n’était pas longue, il fallait aller au travail, mais les effets de la communion restaient. C’est un fait reconnu de tout le monde, que les chantiers ne sont plus ce qu’ils étaient ; le blasphème n’en est pas disparu, mais il a diminué considérablement ; or M. l’abbé Chrétien aime à dire, à la gloire de la sainte Eucharistie, que c’est surtout la communion qui a opéré ce changement. Il n’y a rien de civilisateur comme la communion.

La mission produisait parfois des effets saisissants : un chantier où le blasphème était à la mode se trouvait changé du soir au matin, et pendant plusieurs mois on n’y entendait plus une seule parole blasphématoire. Mais vous me permettrez bien, mon cher lecteur, d’entrer dans de plus grands détails, et de vous raconter quelques anecdotes de ce ministère des chantiers où la grâce de Dieu se fait sentir d’une manière si étonnante.

Un jour, un jeune homme qui avait pourtant un assez bon extérieur, refusait de se confesser. M. l’abbé Chrétien employa tous les moyens imaginables pour l’amener à remplir ce devoir : il argumenta, il essaya de le toucher, il essaya de l’effrayer, rien n’y put faire. Alors le missionnaire se ravisa : Mon enfant, lui dit-il, je ne veux plus vous parler de la confession, car je vois bien que vous êtes décidé à refuser toutes mes avances charitables, mais j’aurais une petite faveur à vous demander, et avant de vous dire ce que c’est, j’aimerais à savoir si vous êtes dans la disposition de me l’accorder. Je puis seulement vous dire, dès maintenant, que c’est une chose toute facile et toute simple. Le jeune homme pencha la tête pour marquer qu’il donnait son consentement. Le missionnaire continua alors : ayez donc la bonté de vous mettre à genoux au bout de ce