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dessert des repas du chantier : il fit réciter le chapelet puis il donna des conseils pratiques aux jeunes gens qui se trouvait là en grand nombre. Le contremaître était à côté de M. l’abbé Chrétien, ne perdant pas une parole et donnant de fréquentes marques d’approbation.

L’enseignement de l’église catholique est naturel au cœur de l’homme, et il suffit d’être sans préjugé pour en apprécier la valeur.

Ces scènes de chantier établissaient des rapports de douce intimité entre le missionnaire et ses ouailles. Ces hommes se dispersaient ensuite dans le pays, mais ils emportaient dans leur cœur le souvenir du prêtre qui les avait édifiés, et s’ils le voyaient quelque part, ils couraient à lui comme des enfants vers leur père. Ces sentiments ne sont pas encore effacés, nous pouvons en avoir la preuve tous les jours.

M. l’abbé Chrétien a aimé cette vie de missionnaire, et après quatorze ans de ce ministère si actif, quand il dut s’occuper uniquement de sa paisible paroisse de Sainte-Flore, il s’ennuya de ses chantiers du Saint-Maurice. Aujourd’hui même, au milieu de sa belle et grande paroisse de Saint-Narcisse, il ne doit pas être sans rencontrer des moments de regrets, lorsque le passé revit dans sa mémoire.

Pour lui comme pour M. l’abbé Proulx, la vie de missionnaire n’était pourtant pas sans amertume : je vais vous en donner une preuve saisissante.

Une année, il s’était trouvé au poste de Coucoucache au milieu d’une grande tempête. Lorsqu’il fallut partir, le temps était assez beau, mais il faisait froid, et la neige qui était tombée en abondance avait fait disparaître toute trace de chemin. Voyant cela, M. Skin, agent de la compagnie de la Baie d’Hudson, envoya deux hommes avec le missionnaire pour découvrir ou tracer le chemin. Ces deux hommes, deux jeunes Canadiens, tracèrent le chemin sur un espace de neuf milles, et cela au milieu de difficultés incroyables. Le cheval enfonçait continuellement dans la neige jusqu’au ventre, il avançait peu et se fatiguait beau-