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La nouvelle fit le tour des chantiers, et se transmit d’un poste et d’une maison à l’autre, tout le long du Saint-Maurice. Cet homme était connu dans tous ces endroits par ses blasphèmes et son ivrognerie, et il avait mis le comble à sa triste célébrité lors de l’accident de la Pointe-à-Château. C’est lui, en effet, que M. Joseph Varin a qualifié d’une manière si sévère dans la complainte que nous avons citée.

Je n’ose affirmer que ce diable des chantiers n’ait plus commis aucune fredaine, mais ce qui prouve qu’il était sincèrement converti, c’est qu’il vit aujourd’hui en honnête homme et en bon chrétien.

M. l’abbé Chrétien a remarqué bien des fois que, dans les chantiers, les protestants écoutaient ses instructions avec une attention et un intérêt extraordinaires. Ordinairement ils se plaçaient de manière à ne point perdre un seul mot du discours. Un jour, un contremaître protestant vint le trouver après le sermon et lui dit : C’est bien la vérité que vous venez de leur dire. M. Chrétien fut un peu étonné de ces paroles, car il venait de prêcher sur le culte de la Sainte Vierge en ajoutant quelques remarques sur les fins dernières de l’homme.

Un autre protestant, qui avait aussi écouté le sermon avec une attention soutenue, disait avec un ton de conviction profonde : Je ne puis croire qu’à présent un seul de mes hommes refuse de se confesser.

Il y avait un contremaître anglais et protestant qui aimait tellement à entendre les sermons, qu’un jour il alla inviter M. l’abbé Chrétien à retourner dans son chantier pour y passer quelque temps. L’itinéraire de cette année-là permettant de faire une petite halte, M. Chrétien accéda à cette demande. Quand on fut arrivé au chantier, notre anglais lui dit : C’est manger une bonne stake, ce soir ; et en effet, un chasseur avait emporté de la venaison, et l’on fit des tranches fort appétissantes que le missionnaire ne voulut pas dédaigner. Quand le repas fut fini, l’anglais prit un air particulièrement gracieux : Maintenant, dit-il, c’est avoir une petite sermon. Le missionnaire ne refusa pas ce