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trousse est pour le médecin. Si, en effet, par un accident quelconque, la pirogue se trouvait blessée, il guérirait la blessure en un instant avec cette gomme magique, et continuerait paisiblement son voyage. C’est ensuite une espèce de tapis en laine sur lequel je me trouvais assis, et enfin la blouse du canotier lui-même, qui s’est mis en manches de chemise pour travailler plus librement. Quand il a fini ces apprêts, M. Maurice renverse la pirogue et se la met sur la tête comme un chapeau d’officier prussien ; puis il s’avance à grands pas, par un petit sentier à droite du rapide. Et les pagaies ? Elles restent dans le canot, retenues par deux tringles qui servent d’appui au dos des passagers.

Moi je porte notre sac aux vivres et mon parapluie, et nous voilà hardiment en route. Le chemin est court, heureusement, car je trouve que mon guide a le pas un peu leste. Nous sommes bientôt rendus au bas du rapide ; la pirogue est remise à flot, et nous allons de nouveau y prendre place.

Les Petites Piles ne sont pas très élevées, et les sauter n’est que l’affaire d’un instant. M. Elzéar Gérin en parlait ainsi dans ses intéressantes notes sur le Saint-Maurice : « Un peu plus bas que les Grandes Piles se trouvent les Petites Piles, autre rapide un peu moins fort. En arrivant à ce rapide, nos compagnons sautent sur le rivage, afin d’alléger l’embarcation. Je reste dans le canot, décidé à connaître les émotions que l’on éprouve en tombant dans ces passes périlleuses. En un clin d’œil, les hommes qui guident le canot saisissent le fil de l’eau, visent la direction qu’il faut prendre, et nous voilà dans le courant. Nous volons sur l’eau, le canot glisse avec la rapidité d’un engin lancé à toute vapeur. Force à droite ! force à gauche ! crie l’homme de l’avant à celui de l’arrière. Prends garde au remous !

« Une roche, défions-nous…… C’est fait… hourrah pour nous autres !

« En effet, nous avions sauté le rapide en moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter. » (Revue Canadienne du mois de janvier 1872).