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DU RAPIDE DES HÊTRES
À la Chute de Chawinigane

Donc il faut faire un nouveau portage. Comptez bien sur vos doigts : c’est le troisième, n’est-ce pas ? depuis le pied des Grandes Piles.

Mon guide se coiffe de son canot, je porte mon petit sac de voyage, et nous voilà partis dans un beau chemin, à travers le bois. Nous passons auprès des débris d’un campement : il y a des piquets pour les tentes, des pierres pour le foyer et un peu de cendres éteintes. Qui comptera le nombre de voyageurs qui ont pris ici le repos de la nuit ?

Les cousins, ou, pour parler à la canadienne, les maringouins ne sont pas tous morts. Dans la grande forêt, le vent ne se fait pas sentir ; ils s’en viennent donc nous faire leurs visites de cérémonie. L’un entre dans le pavillon de mon oreille droite, un autre me caresse l’oreille gauche, un autre semble vouloir faire une exploitation agricole sur mon cou, cet autre n’est pas du tout porté au vertige, et il s’établit hardiment sur le bout de mon nez. Je tiens une de mes mains libre, et je me défends en diable, tout en allant presque à la course, car le canot qui marche maintenant la gueule en bas s’avance avec une grande vitesse, et je ne veux pas le perdre de vue. Les sueurs perlent sur mon front, et un petit ruisseau commence à couler entre mes deux épaules, mais ça ne peut pas durer si longtemps.