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Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/206

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Enfin nous débouchons sur la rivière, au pied du rapide des Hêtres.

Ce rapide prend son nom des hêtres qui se trouvent sur une montagne voisine, du côté de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il a plus de hauteur que les Grandes-Piles, plus aussi que les Petites-Piles, mais la pente des eaux y est un peu plus douce. M. Elzéar Gérin qui le sautait en 1871, le qualifie ainsi :

« Pas plus formidable que les Petites Piles, mais beaucoup plus embarrassé. Selon la mode suivie sur le Saint-Maurice, le rapide des Hêtres est partagé en trois courants ; celui du milieu est le plus considérable. Au bas, le mouvement des eaux est terrible à voir. »

Le vent souffle à l’arrière de notre pirogue, et nous partons avec la rapidité d’une flèche. Quelques maringouins s’obstinent à rester près de nous ; mais nous en tuons deux ou trois, et les autres sont obligés de déguerpir.

Le fleuve est toujours large et beau ; le pays paraît un peu sauvage, mais les vaches qui ruminent tranquillement sur le rivage nous font bien voir que les habitations ne sont pas éloignées.

En regardant devant nous il nous semble que la rivière se trouve brusquement bouchée à quelques arpents de nous ; cela se voit de temps en temps sur le Saint-Maurice, car il lui arrive de changer subitement de direction, comme un homme qui a perdu sa route.

Il y a quelques îles sans importance qui se trouvent ici sur notre passage. Et comme j’aperçois, sur notre droite, une pointe de terre bien plane, bien boisée d’ormes, de frênes et d’érables, je demande à mon guide comment on appelle ce superbe endroit ; il me répond : « C’est la pointe à Bernard, mais pour moi, ajoute-t-il, je l’appellerais plus volontiers la pointe de la Tempête. Voici pourquoi :

« Il y a plusieurs années, nous travaillions dans ces endroits-ci au flottage du bois, et nous étions fort incommodés par les mouches et par la chaleur.