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sante. Il partage le fleuve en deux parties, mais en deux parties inégales. Le courant qui est à gauche de l’île est de beaucoup le moins important ; il forme une chute qui tombe presqu’à angle droit avec le courant principal ; c’est une jolie nappe d’eau, mais elle n’attire aucunement l’attention, parcequ’on en voit partout de semblables. On n’a pas jugé à propos de lui donner de nom particulier.

Le courant de droite, renfermant la masse des eaux du Saint-Maurice, forme la véritable chute de Chawinigane. Elle a 160 pieds de hauteur. L’eau n’y tombe pas verticalement, mais selon un plan très incliné ; et comme il y a de grandes pierres dispersées au milieu du courant, elle offre une variété d’apparence que la chute de Niagara ne possède pas elle-même.

Il n’y a pas de chute que l’on puisse visiter avec plus de facilité : c’est qu’on a établi un beau chemin sur ses bords, et qu’on y a préparé des postes d’observation vraiment incomparables.

Je ne dirai pas qu’elle soit par cascades, je dirai plutôt qu’elle est partagée en plusieurs vagues. Le premier poste d’observation est vis-à-vis la première vague. Celle-ci est longue et bien formée ; l’eau y prend sa vitesse, mais elle a encore sa couleur naturelle, seulement elle paraît plus lisse et plus brillante que l’eau à l’état de repos. Allez au second poste d’observation, vous êtes vis-à-vis la seconde vague : celle-ci est beaucoup plus considérable que la première. L’eau y a pris une vitesse effrayante, la vitesse de la balle lancée par la poudre enflammée ; elle se blanchit comme le coursier couvert d’écume, elle porte une crinière qui s’élève et change à chaque instant. L’onde siffle à votre oreille, vous regardez cette succession rapide, insaisissable, vous êtes étonné et abasourdi, mais vous n’en pouvez plus détacher vos yeux. En bas de cette grande vague, on voit deux ou trois vagues plus petites, et il y a encore un poste d’observation en cet endroit. De là vous voyez venir cette masse d’eau énorme : quel grand, quel magnifique spectacle ! Ô œuvres de mon Dieu que vous êtes admirables !