Aller au contenu

Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 226 —

Le village des Grès doit son origine aux scieries qui ont été établies dans cet endroit en 1847, mais qui sont aujourd’hui en ruine,

Un homme entreprenant, M. John Baptist, creusa un chenal près de la rive, fit un empellement, et, sur la pente même du rocher, éleva de magnifiques scieries ; il se trouva ainsi à jouir d’un pouvoir d’eau incomparable, comme on n’en rencontre guère que sur le Saint-Maurice, le frère, pour tout dire en un mot, de ce pouvoir d’eau de la Grand’Mère dont je vous ai déjà entretenus. À l’empellement, en effet, il y avait 33 pieds d’eau, et l’on pouvait, sans frais considérables, commander à tout le St-Maurice. Des quantités de bois immenses sont sorties de ce bel établissement.

Après la mort de M. John Baptist, des circonstances malheureuses ont fait fermer les scieries des Grès, et jeté le village dans une véritable désolation. Espérons que cet état de choses ne se continuera pas, et que les Grès verront bientôt les jours de leur première prospérité.

Quand les scieries fonctionnaient, on avait établi sur la rive une dalle élevée sur des piliers, dans laquelle on introduisait l’eau du Saint-Maurice. Cette dalle avait bien quarante arpents de long. On y jetait les morceaux de bois dès qu’ils étaient sciés, et, avec une rapidité vertigineuse, ils se rendaient en bas du saut de la Gabelle. Les morceaux de bois scié tombaient dans le Saint-Maurice, et des hommes placés là tout exprès les mettaient immédiatement en radeau. Quand le radeau était complet, on le descendait au fleuve St-Laurent.

Nous nous souviendrons longtemps de notre passage à la Gabelle. Naguère encore la dalle était assez bien conservée pour faire un trottoir magnifique, alors c’était un plaisir de faire le portage des Grès ; mais aujourd’hui il ne reste guère que les débris des piliers, et le portage se fait d’une manière bien pénible.

Me voilà donc, sous les rayons d’un soleil ardent, mon porte-manteau à la main, courant sur les grosses pierres inégales ou sur le galet du rivage. Les sueurs