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M. Laterrière nous donne sur la discipline suivie aux Forges quelque chose qui a lieu de nous surprendre : « Il était de règle, dit-il, qu’aucun des ouvriers ne retirait personne chez lui sans venir au bureau en avertir et demander la permission ; si bien qu’il n’arrivait jamais rien d’indécent ni d’accident sans que nous en eussions connaissance ; nous étions informés même de leurs bals, de leurs danses, de leurs festins. »

Cependant l’on était arrivé à l’invasion des Bostonnais en 1775. Nos bons voisins voulaient nous faire profiter, malgré nous, des avantages de la république qu’ils avaient fondée, et ils vinrent pour prendre possession du Canada.

Cela n’était pas aussi facile qu’ils se l’étaient imaginé.

Christophe Pélissier, le directeur des Forges Saint-Maurice, avait un faible pour les Américains, et il désirait le succès de leurs entreprises au milieu de nous. « Cependant encore fort réservé, dit le Dr Laterrière, il n’assista aux assemblées et conseils des nouveaux venus, qu’à l’arrivée du général Wooster aux Trois-Rivières en quartier d’hiver. Ces nouveaux venus lui ayant connu de grands talents, l’engagèrent à aller faire une visite au général Montgomery, à la maison d’Holland, proche Québec. Depuis ce moment, il fut reconnu et dénoncé par les espions du général Carleton comme acquis aux Américains et par conséquent comme un dangereux ennemi de la Grande-Bretagne. Les autres officiers des Cyclopes tels que moi inspecteur, Picard le teneur de livre, Voligni le contre-maître, nous fûmes dénoncés aussi, parcequ’on supposait naturellement que nous buvions le même poison de la rébellion à la même tasse. »

Sans doute, ces trois derniers n’étaient nullement coupables, mais Pélissier semblait prendre plaisir à se compromettre, ce qui montre combien il comptait sur le succès des Bostonnais. Il ne craignit pas de se rendre auprès de Montgomery, et il fournit une grande quantité d’effets et de munitions à l’armée américaine.