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Légendes des Forges Saint-Maurice

Cher lecteur, vous aimez sans doute les vieilles et naïves légendes du moyen-âge ! Eh bien ! dans vos voyages de touriste sur la rive nord du St-Laurent, je vous conseille de suivre quelque jour la route désolée qui s’avance au-delà des côteaux des Trois-Rivières, et de vous rendre à ce nid qu’on appelle le Poste des Forges St-Maurice. Rien ne sent plus la légende que ce village. Lorsqu’on arrive au bord de la côte qui borne son horizon, et qu’on aperçoit, au pied, ces maisons longues et sombres, groupées autour d’un fourneau qui annonce plus d’un siècle d’existence ; lorsqu’on regarde ce manoir qui rappelle les châteaux du moyen-âge, on se demande si l’on n’est pas sous le coup d’une illusion ; si, au lieu d’un village canadien, on n’a pas sous les yeux un tableau qui nous retrace le lieu de quelqu’une des scènes qui ont effrayé et charmé notre jeune imagination.

L’isolement où se trouvent les Forges St-Maurice, par suite de la mauvaise qualité du sol environnant, cette petite rivière qui ne se gonfle jamais et ne tarit jamais, qui paraît limpide, et dont les vases engloutiraient l’imprudent qui voudrait se baigner dans le cristal trompeur de ses eaux, les flots noirs du St. Maurice qui se précipitent avec un sourd murmure, la savanne, qui s’étend d’un côté avec son impénétrable fourrée, le coteau qui s’élance de l’autre côté comme une imprenable muraille, tout fait de ce village un des endroits les plus mystérieux du Canada.