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il était resté longtemps, il se levait et, au lieu d’aller sortir par la porte, il semblait entrer dans le fourneau et disparaissait.

Vous savez que les flammes s’élèvent toujours au-dessus de la cheminée du fourneau ; eh bien ! on voyait un petit bonhomme qui allait s’asseoir sur le bord de la cheminée et qui restait là, souvent, une grande partie de la nuit.

Je me permis ici d’interrompre le récit du Père Louison.

— Puisque le diable était à se montrer si souvent que cela, c’est donc que les gens des Forges étaient bien méchants ! — Il y avait des méchants, ce qui ne doit pas surprendre, puisqu’il venait là des gens de toutes les parties du pays, mais le grand nombre étaient d’assez bons chrétiens, qui se distinguaient par une grande foi. Ils ne faisaient pas leurs devoirs religieux aussi fidèlement que les gens des autres paroisses, mais il leur était impossible de faire mieux que cela. Il est arrivé des scandales parmi eux, mais assez rarement.

Le défaut des femmes était de médire, de sacrer, de se chicaner entre elles, de se crier des sottises d’une porte à l’autre. Le défaut des hommes était de blasphémer et de tenir de mauvais discours. Les mauvais discours se tenaient surtout par les jeunes gens qui se réunissaient au fourneau, ce qui explique peut-être la présence du chat dont je vous ai parlé.

Il arrivait aussi, je crois, que le bon Dieu permettait ces apparitions-là pour effrayer les gens et les retenir dans le devoir. Ils avaient besoin de cela peut-être, ils étaient si isolés, si loin des prêtres !

Un samedi soir, le bourgeois des Forges avait organisé un grand bal. Les travailleurs s’y trouvaient presque sans exception.

On était sur le dimanche ; il n’y avait plus dans les Forges que les deux ou trois hommes nécessaires au fourneau, les portes et les fenêtres étaient fermées et barrées ; et chez le bourgeois les danseurs s’en donnaient de leur mieux, au son du violon.