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rivière ; ces maisons appartiennent à la paroisse de Saint-Maurice. Sur notre droite, le premier endroit que l’on puisse remarquer est la pointe à Poulin, ainsi nommée en souvenir des anciens propriétaires. Plus loin, la pointe aux Fraises : c’est peut-être la pointe aux Pommes dont parle M. Laterrière, vu qu’elle est sucrée. Nous avons passé aussi l’anse de la Vente-au-Diable, mais je vous en donne ma parole, nous n’avons rien vu ni rien entendu pour donner seulement un commencement de chair de poule.

À une certaine distance de la ville, dans un endroit où la côte est escarpée et sablonneuse, les hirondelles des rivages ont établi leurs nids qu’elles enfoncent dans le sable jusqu’à deux pieds de profondeur. Nous apercevons ces nids établis sur deux lignes, ils se comptent par centaines : c’est la ville des hirondelles placée à côté de la ville des hommes, mais à une distance respectueuse, comme l’exige la prudence. Les nids sont sous terre, c’est un peu triste ; mais les gentilles propriétaires ne s’y tiennent que le temps strictement nécessaire, et le reste du temps, c’est-à-dire à peu près tout le jour, elles sont dans les pures régions de l’atmosphère. Aussi voyez audessus d’Hirondelle-Ville une nuée de ces chers petits êtres, c’est ainsi toute la journée. « Le vol, dit Buffon, est l’état naturel de l’hirondelle, je dirais presque son état nécessaire : elle mange en volant, elle boit en volant, et quelquefois donne à manger à ses petits en volant. Sa marche est peut-être moins rapide que celle du faucon, mais elle est plus facile et plus libre ; l’un se précipite avec effort, l’autre coule dans l’air avec aisance : elle sent que l’air est son domaine ; elle en parcourt toutes les dimensions et dans tous les sens, comme pour en jouir dans tous les détails, et le plaisir de cette jouissance se marque par de petits cris de gaieté. » L’hirondelle est l’emblème du chrétien qui plane continuellement audessus des choses périssables de la vie. Le corps de ce chrétien est sur la terre, mais son âme converse déjà avec les anges de Dieu, nostra conversatio in cœlis est.[1]

  1. Notre conversation est dans les cieux.