Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 314 —

tragédie sanglante, comme le donne à penser son nom de pointe aux Iroquois, mais aujourd’hui elle a un emploi bien modeste et bien inoffensif, elle porte les cages[1] de planches d’une importante scierie mécanique établie à l’embouchure du Saint-Maurice. Cette usine fut établie en 1853 par deux américains, Messieurs Norcross et Philipps, de là son nom vulgaire de moulin des Américains.

Messieurs Norcross et Philipps poussèrent les opérations avec vigueur, et livrèrent au commerce une grande quantité de bois scié. Dans les intérêts de leurs chantiers, ils construisirent un bateau qui voyagea entre les Piles et la Tuque pendant près de deux ans. C’est ce bateau qu’il s’agit de remplacer maintenant, et certes, il faut bien avouer qu’on a de la peine à y réussir.

La présence de ces américains fut profitable au commerce de bois du Saint-Maurice : quand il s’est agi d’aller chercher le bois au loin, dans l’intérieur des terres, près de petites rivières à peine flottables, autour de petits lacs retirés où il n’y avait aucun courant, ils se sont servis de l’expérience acquise dans leur pays, et cela a prévenu bien des tâtonnements.

Voici donc comment on procède maintenant pour le flottage du bois dans les endroits éloignés du Saint-Maurice. On construit des dames sur les rivières, les criques ou les ruisseaux dont le volume d’eau n’est pas assez considérable pour que le bois puisse y flotter facilement, on élève ainsi le niveau de l’eau, puis à un moment donné on lève subitement les pelles ; alors on voit l’eau se précipiter avec une violence incroyable, et entraîner sans merci tout ce qui se rencontre sur son passage.

Y a-t-il un lac dans un endroit retiré, pendant tout l’hiver on charrie le bois coupé sur la glace de ce lac, et l’on pose des dames dans la rivière ou le ruisseau par lequel il se décharge ; à la fonte des neiges l’eau arrêtée dans son cours s’élève considérablement, et

  1. Expression employée dans l’exportation du bois, à cause de la manière dont on place les planches pour les faire sécher.