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lain des Mères Ursulines voyant l’imminence du danger, alla ouvrir les portes du cloître, en annonçant aux religieuses qu’il leur fallait se tenir prêtes à partir. Pendant que les pauvres religieuses étaient occupées, les unes à empaqueter les effets, les autres à prier dans la chapelle prosternées devant le Saint Sacrement, on vit un jeune clerc d’avocat de la ville qui se promenait dans le cloître, les mains dans les poches de culotte, en sifflotant à travers les poils follets de sa petite moustache. Dans son enfance un peu orageuse il avait visité tous les coins de la ville, depuis la voûte et le clocher de la Cathédrale jusqu’aux profondeurs du noir Saint-Maurice, il n’y avait que le cloître des Ursulines qu’il n’eût pas encore vu, il profitait donc de la première occasion pour achever le cercle de ses connaissances géographiques.

Le bâtiment incendié ne fut pas rebâti, on continua tous les travaux du sciage avec la seule usine qui restait.

M. Stoddard garda les scieries des Trois-Rivières pendant quatre ans, puis il les vendit à une société formée de J. Ross, W. Ritchie et J. Reynard. M. John Ross devint plus tard le seul propriétaire.

L’année 1878 fut encore une année de malheur, un nouvel incendie éclata. Les usines, cette fois, furent complètement détruites, et le feu alla dévorer avec une espèce de rage tout le bois scié qui se trouvait dans les environs. Ce fut un désastre affreux. Beaucoup de personnes pensèrent que Dieu voulait punir ainsi les blasphèmes commis dans les chantiers, et le peuple disait, en son langage pittoresque : ce bois nous est arrivé tout couvert de blasphèmes, il faut le feu du ciel pour le purifier. L’épreuve fut grande pour la ville des Trois-Rivières, car toutes les affaires y languissent tristement lorsque le commerce de bois fait défaut.

Des ruines enfumées attristaient la vue des Trifluviens depuis trois ans, lorsqu’enfin, en 1881, la scierie actuelle fut construite sous la direction de M. Antoine Saint-Pierre, d’après tous les derniers perfectionnements de l’industrie. L’ancienne cheminée, qui était