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À LA GRANDE-ANSE

Mon cher lecteur, il y a du nouveau aujourd’hui. Nous voyagions bien confortablement dans notre jolie barge, mais voilà qu’on veut nous faire voyager plus à notre aise encore : c’est un beau grand chaland superbement pavoisé qui va nous transporter à la Grande-Anse, à quatre lieues de la Matawin. Ce chaland est couvert d’une toile, pour nous préserver des ardeurs du soleil ; nous y sommes sur un bon plancher, nous avons des chaises comme dans une maison, nous avons même une table avec des pots de fleurs ; mais nous aurons en même temps l’air pur et le spectacle grandiose des montagnes. Un cheval, monté par son cavalier, marche sur le rivage, et traîne à grands pas notre lourde embarcation. Il fait bon voyager ainsi. Et dire que nos gens, aux Trois-Rivières, croient que nous faisons un voyage de misère dans les missions du Saint-Maurice ! À notre départ, Monseigneur entonne l’Ave maris stella, et réunis en cercle autour de lui, nous l’aidons du mieux que nous pouvons à chanter les louanges de la Mère de Dieu. Nous sommes à chanter ainsi, quand nous passons vis-à-vis l’embouchure de la rivière Caribou.

Ô rivière Caribou, tu fais bien la douce pendant la saison de l’été, tu n’es maintenant qu’un petit filet d’eau qui ne remue pas un grain de sable, mais nous te connaissons : quand vient le printemps, tu deviens un torrent furieux, tu roules des masses de sable, tu déracines les grands arbres, et tu les traînes aussi facilement que des fétus. Je ne trouve rien de beau ni dans ton cours, ni sur tes rives, tu ne peux que nous effrayer