dans tes moments de colère, tu n’es vraiment qu’une nuisance publique. Adieu, rivière Caribou.
Le cheval fait monter notre chaland avec rapidité. Mais j’entends mon lecteur me dire : Que faites-vous quand les rochers se rendent jusqu’à l’eau profonde, ou quand il y a des obstacles sur le rivage ? C’est tout simple : nous faisons monter le cheval dans le chaland, et alors nous avons six hommes forts qui, avec leurs longues perches, nous font certes bien avancer sur la rivière. Dès que la grève paraît propice, le cheval redescend et continue à nous traîner, pendant que nos hommes se reposent.
Bien souvent l’obstacle n’est qu’un arbre renversé par le vent : on essaiera alors de passer dans la rivière pour détourner l’obstacle ; le cheval aura peut-être de l’eau pardessus la croupe, le cavalier aura les deux jambes entièrement plongées dans l’eau, mais tout cela est peu de chose ; on passe et le voyage se continue paisiblement.
Nous arrêtons un instant chez M. Grandmont, le propriétaire du chaland où nous voyageons.
M. Robert Grandmont vient de la paroisse de Saint-Stanislas. Se trouvant ruiné, et voulant cependant, comme un homme de cœur, avoir son petit domaine à lui, il est allé s’enfoncer dans la Matawin. Il ne le regrette pas ; il ne dépend de personne, et la terre où il est lui donne le pain de sa famille. Il ne désire qu’une chose maintenant, mais celle-là, il la désire avec une grande ardeur : c’est la présence d’un prêtre à la Grande-Anse ou à la Rivière-aux-Rats. Voyez-vous, il est père de dix enfants, et il voudrait bien les élever tous dans la pratique de notre sainte religion. Il s’en est ouvert à Monseigneur lui-même, et, par la réponse qu’il en a reçue, nous croyons pouvoir lui prédire que, dans un temps qui n’est pas éloigné, il verra ses justes désirs accomplis.
Monseigneur bénit M. et Mme Grandmont avec leur nombreuse famille ; et nous nous hâtons de repartir. Une grande partie de cette famille, cependant, nous accompagne à la Grande-Anse. L’une des filles