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Nous permet-elle de préciser en quelle année eut lieu cette terrible rencontre ? En consultant nos vieilles annales, nous croyons trouver qu’il s’agit ici d’une scène navrante qui se déroulait en 1661. Voici dans quels termes les Relations des Jésuites racontent ce fait mémorable.

« La bourgade des Trois-Rivières n’a pas eu meilleur traitement. Le cœur lui saigne encore de la perte qu’elle a faite, presque en même temps, de quatorze français enlevés tout à la fois, et d’une trentaine de sauvages du pays des Poissons-Blancs, nos alliés qui, allant en traite avec deux français dans les terres, firent rencontre de quatre-vingts iroquois, contre lesquels ils se battirent vigoureusement, pendant deux fois vingt-quatre heures que dura ce combat, mais avec tant de chaleur qu’ils se laissèrent percer de coups plutôt que de se rendre, aimant mieux se voir glorieusement ensevelis dans leur propre sang que dans les feux des Iroquois. Les femmes mêmes ne cédaient pas aux hommes en courage ; elles n’épargnaient rien pour se faire tuer, plutôt que de tomber vives entre des mains qui leur devaient faire souffrir autant de morts qu’ils leur donneraient de jours à vivre. Tous étaient animés par la vue d’un des deux français, fils de Monsieur Godefroy, qui signala son courage par une longue et généreuse résistance ; il soutint le choc des ennemis avec une hardiesse qui le faisait paraître comme invulnérable, au milieu du feu continuel que faisaient sur lui les ennemis, ne cessant d’encourager les siens et par paroles et par exemple, jusqu’à ce que, tout couvert de plaies dont plusieurs étaient mortelles, il tomba sur son sang et se traîna, comme avaient fait les autres, à un tas de morts, pour rendre le dernier soupir entre les bras de ses généreux compagnons. En ce combat qui fut sanglant aux ennemis, puisque vingt-quatre y sont demeurés sur la place, tous nos algonquins firent merveille jusqu’au dernier soupir, et sans une mésintelligence qui se trouva entre les chefs, la victoire leur fût sans doute demeurée. La nouvelle de cette défaite fut peu après portée aux