Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 48 —

Trois-Rivières, par un des prisonniers qui s’échappa de la captivité et des feux. »

Il est certain que les endroits si paisibles où nous sommes en ce moment ont été jadis le théâtre d’un grand nombre d’escarmouches sanglantes, lorsque les Iroquois se jetèrent sur les tribus du Nord comme des loups sur un troupeau de brebis. Il arrivait souvent que les partis de guerre se rendaient sur le Saint-Maurice par la petite rivière Batiscan, aussi les Algonquins conservent-ils le souvenir de ces épreuves d’autrefois en l’appelant, aujourd’hui encore, Innétopalékanangue, la rivière des combats.

Non loin de la pointe dont nous parlons, il y a une montagne qui porte aussi le nom de Sintamaskine, et qui rappelle un peu celle de l’Oiseau. Dans le flanc de cette montagne, les pierres, vues sous un certain jour, donnent une image assez nette d’une personne et d’une paire de raquettes. Tiens, cela nous met en mémoire une petite histoire de chasseur, que quelques-uns rapportent à la montagne de Sintamaskine. C’est le chasseur lui-même qui parle : Je poursuivais, dit-il, un grand caribou, et mon bon chien de chasse était sur le point de le saisir, lorsque le caribou, arrivant au bord de la montagne, se jette tout simplement en bas ; mon bon chien le suit sans hésiter. Moi qui courais, en raquettes, à une petite distance, j’arrive presque immédiatement après eux, et, dans mon empressement à poursuivre mon gibier, je m’élance aussi en bas. C’était bien inutile : je trouvai le chien et le caribou en charpie au pied de la montagne ! — Et vous, père ? — Eh bien ! en tombant, j’ai cassé le talon de mes raquettes.

Écoutez, mon cher lecteur, je n’ai pas vu sauter ce chasseur, et les débris des deux animaux ne sont plus là, mais vous ne voudrez pas suspecter la parole d’un chasseur du Saint-Maurice. Tout de même, je puis bien gager que vous et moi, si nous eussions sauté d’une hauteur de 850 pieds et au-delà, nous nous serions égratignés un peu.

Mais des cris de joie et des applaudissements