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une légion de cousins. Nous n’en avons pas vu du voyage, mais ici l’air en est rempli. Pendant que nous nous défendons bravement contre les maringouins, un de nos hommes descend un joli canot d’écorce qui se trouvait en travers sur le coqueron de notre chaland. Il est prêt à emmener deux passagers : en avant les pêcheurs ! M. Prince et M. Gravel montent dans le canot. Et Nestor Desilets ? Il se suce le pouce. Il y a des moments terribles dans la vie ! Voilà donc nos pêcheurs qui entrent dans le lac, et qui commencent à en faire le tour. J’ai un poisson à ma ligne, dit M. Prince : vous vous trompez, dit M. Gravel, c’est à la mienne qu’il est pris. On tire les lignes : oh ! le glouton de brochet ! il avait avalé les deux hameçons. Il surgit une question bien grave, savoir à qui appartiendra le brochet, et qui pourra se vanter d’avoir fait cette belle pêche. M. Gravel tire avec beaucoup de peine les deux hameçons du corps du brochet, dans son émotion il est prêt à faire chavirer le canot ; mais il constate avec regret que l’hameçon de M. Prince a été avalé le premier.

Les pêcheurs font deux fois le tour du lac, et M. Gravel prend un second brochet, beaucoup plus petit que le premier.

Nous trouvons qu’ils nous font perdre trop de temps, nous leur crions de s’en revenir, ou que nous allons les quitter là. Ils s’en reviennent, et montrent avec orgueil leur belle pêche. Nestor Desilets avait probablement désiré dans son cœur qu’ils ne prissent rien du tout. Demain, veille de l’Assomption, étant maigre et jeûne, M. Prince se félicitait d’avoir à présenter un si beau brochet à la maîtresse de la maison où nous recevrions l’hospitalité, Hélas ! ce poisson devait régaler les chats de Madame Lacroix de La Tuque. Mais qu’importe ! on pêche pour le plaisir de pêcher.

Le canot qui avait servi à nos pêcheurs se charge de cinq personnes qui retournent à la Rivière-aux-Rats. Adieu et bon voyage.

Nous repartons, et un peu après six heures nous apercevons La Tuque. C’est un cri général : La Tuque !