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AVANT-PROPOS

Il y a, échelonnée le long du Saint-Maurice, une population intelligente, que l’on a trop longtemps oubliée et méconnue. Ce n’est pas que l’on ait manqué de s’en entretenir fort souvent, mais elle avait le malheur d’être devenue légendaire ; on en parlait le soir au coin du feu, comme on peut parler de Roland ou de Jean de Calais, et l’on paraissait avoir oublié que ce sont des frères en chair et en os, qui ont leurs aspirations et leurs besoins ; que ces frères nous aiment et demandent à être aimés de nous ; qu’ils souffrent dans un isolement cruel, et qu’ils réclament une petite part de ces améliorations étonnantes que notre gouvernement prodigue dans toutes les autres parties du pays.

Nos compatriotes doivent y réfléchir sérieusement ; à cause de notre apathie et de notre négligence, la Tuque se trouve aujourd’hui plus éloignée de nous que Winnipeg, et les communications avec les habitants de la Rivière Croche sont plus difficiles qu’avec les habitants de Calgary. Cependant, c’est bien notre sang qui coule dans les veines des colons du Haut Saint-Maurice ; ils sont même plus canadiens que nous ; je le dis sans crainte d’être démenti, car je viens de les voir et d’étudier leurs mœurs. Allez sur ces parages, si vous voulez retrouver le type des anciens Canadiens.

Monseigneur Laflèche, évêque des Trois-Rivières, a rendu un immense service à cette population abandonnée, en y faisant solennellement cette année sa visite pastorale. Le voile de la légende est déchiré enfin. C’était la première fois que l’évêque des Trois-Rivières paraissait dans cette partie de son diocèse. Plusieurs trouvaient que son âge et ses infirmités ne