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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

tures étranges, et observer sous quelles formes diverses Dieu avait distribué la vie dans l’univers. Alors je fus prise d’un superbe dédain pour la planète que j’habitais. Tout occupée de mes rêves, et jouissant avec plénitude de l’existence qui venait de m’être accordée, je ne mettais pas de bornes à mes ambitieux désirs. Je parcourais l’espace en tous sens afin de connaître les différentes densités de l’air, parfaitement oublieuse des devoirs qui m’étaient imposés comme à toute autre créature.

Orgueilleuse d’errer en liberté dans les couches épurées de l’atmosphère, loin des émanations grossières de cette terre avec laquelle je comptais bien ne jamais avoir rien de commun, je m’élevais sans cesse vers le soleil qui m’attirait invinciblement.

Ne tenant aucun compte de la loi de gravitation qui m’attachait à la terre, et entièrement absorbée par l’espoir d’arriver jusqu’à l’astre vivifiant autour duquel se fait sa révolution, j’avais oublié le reste du monde, quand je fus violemment rappelée à la réalité en heurtant le sommet d’une haute montagne dont le contact me convertit instantanément en neige éblouissante. Nul ne saura jamais l’âcre douleur occasionnée par cette contraction subite ! Ce fut sans contredit la plus grande de toutes celles qui signalèrent ma longue existence, soumise à tant de vicissitudes, hélas !

Pendant le long hiver qui me tint attachée aux