Page:Carton de Wiart - Mes vacances au Congo, 1923.djvu/105

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l’habitude du labeur. Rien de plus compréhensible qu’un tel souci. Il résume, au point de vue économique, la crise d’ordre commercial qui sévit en ce moment au Congo. Mais comment faire ? Il y a bien la contrainte. Elle s’appelle de divers euphémismes. L’un d’eux est la chicotte. Le docteur Peters, fameux colonial allemand, la justifiait par un aphorisme où l’on reconnaîtra la marque de la « Kultur » : « Si je donne à un chef noir un bœuf, disait-il, il sera aussitôt porté à me dérober tout mon troupeau. Si je lui administre, au contraire, une volée de chicotte, il s’empressera de me fournir du bétail. » C’est, en effet, un incontestable excitant au travail. Mais notre administration coloniale veille — et elle a raison, — à en réduire de plus en plus l’usage. Il y a aussi la servitude domestique. Elle est reconnue au Congo par le droit coutumier et j’ai vu comparaître devant le tribunal de Babeti-ben-Sahid, chef arabisé de la Province Orientale, un jeune indigène qui était allé se promener, tandis que son maître eût voulu le voir travailler à sa culture.

Le prévenu invoquait divers moyens pour sa défense : il avait dû, à l’en croire, assister, dans un village voisin, aux funérailles d’un sien ami. Inexorable et solennel, le juge noir qui siégeait au milieu de ses assesseurs, coiffé d’un élégant bonnet grec et d’une longue « Kanza » brodée, ayant sur sa table un beau réveil-matin, et derrière son prétoire les portraits de nos souverains, — et hélas ! aussi celui du vieux sultan Abdul-Hamid, — le condamna, en guise de sanction, à faire sept jours de travail au profit de la communauté villageoise. Mais ce genre de vassalité ou de servage n’existe qu’entre indigènes. L’État a quelques autres moyens. Il impose, çà et là, un minimum de culture, notamment en coton et en riz.