Page:Carton de Wiart - Mes vacances au Congo, 1923.djvu/133

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ques à la végétation paradoxale. Les bambous et les fougères arborescentes s’y marient aux parasoliers et aux palétuviers dont les étranges racines s’échappent du tronc de l’arbre comme autant de moignons. Dans l’air humide et chaud, les odeurs de la vase qui fermente luttent avec l’enivrant parfum des magnolias.

Banane n’est qu’une étroite langue de terre qui sépare ce delta de l’océan. De loin, elle dessine sur le ciel quelques rangs de cocotiers dont le vent du large a légèrement incliné la tête, comme il courbe nos peupliers de la Flandre maritime. Deux de ces cocotiers, qu’on appelle les arbres fétiches de Banane, sont étrangement envahis par une épaisse fourrure de fibres qui les fait ressembler à deux gigantesques bonnets à poil. Pauvre front de mer qui, par-delà Moanda, se prolonge jusqu’à l’enclave portugaise de Cabinda ! Chaque jour, les vagues en rongent insensiblement la rive. On y a établi une maison de repos où les convalescents, que la fièvre a minés, viennent se refaire dans l’air salin. Pour compléter ce « sanatorium », l’administration métropolitaine y a expédié une douzaine de baraquements ayant servi aux hôpitaux de la guerre, et qui — sous ce climat — sont parfaitement inutilisables. Banane offre d’autres curiosités : le poste du pilotage, des installations de pêcherie.un cimetière négligé et d’aspect sinistre où dorment quelques pionniers des anciens jours, et une grande factorerie hollandaise qui paraît aujourd’hui abandonnée, et dont les granges, percées de meurtrières, firent office, au temps jadis, de parc et d’entrepôt à esclaves. C’est ici, en effet, que les marchands embarquaient à destination de l’Amérique leur « bois d’ébène » et, si j’en crois un Anglais bien infor-