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mes vacances au congo

rivage de sable, tout plat, derrière lequel l’œil découvre, en perspective lointaine, des lagunes marécageuses. Le port de Grand-Bassam s’y annonce par une rangée de bâtiments et de baraquements, — au type d’entrepôts ou de casernes. Un phare d’un côté. Une installation de T. S. F. de l’autre. Au milieu, un « wharf » en construction. Pour animer le tout, un petit train dont on voit courir la fumée, et — dans la rade, — quatre ou cinq bateaux à l’ancre. L’« Albertville » mouille à 1000 mètres de terre. Il embarque des sacs de noix de cola dont les Sénégalais sont friands. Quant aux passagers, pour monter à bord, ils sont hissés à la grue dans une sorte de nacelle en bois assez semblable à ces petites voitures de nos carroussels forains, où les enfants apprennent le goût et les dangers des voyages circulaires. Un de ces passagers, en costume de « capitula », fait sensation. Il arrive de l’Oubanghi-Chari avec 4 1/2 tonnes d’ivoire frais. Il confesse avoir abattu de son rifle plus de deux cents éléphants. Comme on le félicite : « Peuh ! fait-il d’un ton à la fois dégagé et modeste. Simple chasse commerciale ! » En effet…

Tandis qu’on étale sur un pont d’arrière le trésor de ses pointes et de ses escarvelles, le steamer reprend sa route. Il dépasse tour à tour la république noire de Liberia où se poursuit, depuis cent ans, une expérience médiocrement encourageante de l’« Afrique aux Africains », puis Sierra-Leone, chère aux philathélistes. Et voici, sur les côtes de la Guinée, — où chante, dans nos mémoires, la complainte du Petit navire, — l’escale de Konakry. Aux dernières heures du jour, en plein orage, l’« Albertville » y fait halte, dans un prestigieux cadre d’îles montagneuses, que les éclairs, tels des feux de projecteurs, font brusquement et tour à tour sortir de l’ombre.