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mes vacances au congo

vie. Aussitôt s’élève le concert des cigales et des grenouilles. Dans tous les villages, le tam-tam, les marimbas et la danse font fureur. Il ne m’a point paru, du moins chez les Baluba dont nous avons jusqu’ici traversé la région, que les danses au clair de lune, — ou du moins ce que j’en ai vu, — méritassent les reproches de brutalité et d’indécence que j’ai entendu parfois formuler. On dirait bien plutôt des premières mesures, à peine ébauchées, d’un quadrille avec l’accompagnement d’une mélopée sans cesse renaissante, et dont le « leitmotive » ne comprend que quatre notes. Du chœur des femmes, une jeune fille, — il en est de menues et de graciles comme des Tanagra, — se détache à chaque figure nouvelle. Elle esquisse quelques minauderies, puis revient bien vite rejoindre le groupe de ses compagnes. Danseurs et spectateurs frappent impitoyablement le sol de leurs pieds qui suivent la cadence des tam-tam.

En dépit de la poussière et des moustiques, ces danses ont quelque chose de primitif et de charmant dans le cadre des paillettes et le décor des borassus qui découpent leurs palmes sur le ciel tout envahi par la grande clarté lunaire. Parfois, un écho plus ou moins distinct signale aux environs l’entrée en chasse d’un grand fauve. Et ce mélange d’insouciance enfantine et de dangers obscurs achève de reculer une telle scène au passé le plus lointain des races.

* * *

Au petit jour, le bateau lève l’ancre. De Kialo à Kabalo, le paysage est infiniment varié. Tantôt, le Lualaba glisse entre des prairies qui semblent suspendues dans le vide, tant l’air et l’eau sont également flui-