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mes vacances au congo

et la patience de nos marins dans les passages difficiles. Voici qu’à la proue du bateau, le noir qui sonde de sa « foundo » la profondeur du lit interrompt soudain sa chanson monotone et signale un bas-fonds de sable ou de roche. Encore que son tirant d’eau ne dépasse pas ici 70 ou même 60 centimètres, il arrive que la cale ne puisse franchir, par ses seules forces, ce seuil prévu ou imprévu. Bien vite, un câble est accroché à quelque palmier de la rive. Et toute l’équipe noire de s’atteler à la manœuvre du cabestan. L’opération est souvent longue et pénible. Le capita qui la dirige renouvelle de trois minutes en trois minutes les paroles chantées que les travailleurs répètent avec ensemble pour rythmer l’effort de leurs biceps et de leurs jarrets tendus comme le câble même qu’il s’agit d’enrouler. Les paroles sont naïves de toute la puérilité de l’âme noire, et le chant est parfois exquis. « Si notre maman nous voyait… » « Quand nous aurons fini, nous aurons du bon kawa… » « Attention, le chef blanc nous regarde. » C’est ainsi qu’avec un bon câble et de « l’huile de bras », le bateau peut poursuivre sa route… Et il n’en allait pas autrement, sans doute, sur le Danube et le Rhin, au temps où ces beaux « chemins qui marchent » étaient abandonnés à toutes les fantaisies de la nature.

* * *

Le 5 septembre, un petit roi indigène, du nom de Mafenge, est venu nous inviter à visiter ses domaines. C’est un grand gaillard bien bâti, aux dents admirables. Fier de son uniforme khaki, — dépouille de la grande guerre, — de son casque à double visière et surtout de la grande médaille de métal