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mes vacances au congo

blanc qui proclame, en français et en flamand, ses droits à la chefferie, il avait belle allure, ma foi, dans la petite pirogue où il se prélassait et qui nous montrait, à travers le dédale des îles, le chemin de ses États. Notre pirogue à huit pagayeurs suivait la sienne, vite, si vite et si mince dans ses parois, qu’il nous semblait sentir glisser sous nous l’eau du fleuve. Au débarcadère, la reine-mère, suivie de ses dames d’honneur, s’avance lentement à notre rencontre. « Vera incessu patuit dea. »

Elle aussi est de belle prestance. Vêtue, sous les bras, d’un pagne multicolore qui la drape à l’antique, elle étale, sous forme de diadème et de colliers, toute une collection de bijoux et de coquillages. Son nom est Moranga, et son histoire se rattache à celle de notre occupation au Katanga. Car elle était la femme favorite du terrible Musiri, ami et fournisseur des traitants arabes, et qui eut maille à partir, aux jours héroïques, vers 1892, avec Bia et Francqui, puis avec le capitaine Bodson, qui l’abattit de sa main.

Mafenge nous présente les dignitaires de sa cour et les anciens de la tribu des Mulongo. Entourés d’une foule de moricauds et de moricaudes, parmi lesquels les gosses gambadent de plaisir, nous voici dans la case même du chef, — une maison toute neuve, bâtie de briques et dont les murs sont ornés de trop médiocres portraits de nos souverains, répandus un peu partout par l’administration coloniale, et de quelques images très variées, arrachées à des illustrations de Paris ou de Londres. Avec une impressionnante mimique, Mafenge nous raconte comment sa mère fut enlevée par Musiri, lorsque lui-même avait à peine quelques mois. Il s’étend longuement sur le récit des horreurs commises par les esclavagistes avant