ne s’étoit declaré son ennemi parcequ’elle ne veut vouloit pas avoir pour lui
certaines complaisances que son honneur ne lui permet d’avoir que pour
son mari. Elle m’offre des certificats, elle me prie de lui faire un
placet qu’elle iroit en personne presenter au sage, et elle conclut par
me dire qu’étant pauvre elle ne pouvoit recompenser ma peine
que de son cœur. Après lui avoir repondu que son cœur n’étoit
fait que pour recompenser des desirs, je procede avec elle comme
un homme qui aspiroit à être recompensé d’avance, et je ne
trouve que cette resistance qu’une femme polie ne fait que par
maniere d’acquit. Après le fait je lui dis de revenir vers midi pour
recevoir le placet, et elle est exacte. Elle ne trouve pas mauvais de
me payer une seconde fois, et vers le soir sous le pretexte de certaines
corrections elle vient me recompenser encore. Mais le surlendemain
de l’exploit au lieu de me trouver recompensé, je me suis
trouvé puni, et dans la necessité de me mettre entre les mains
d’un spagyrique qui en six semaines me remit en parfaite santé.
Cette femme, quand je fus assez bête pour lui reprocher sa vilaine
action, me repondit en riant qu’elle ne m’avoit donné que ce qu’elle
avoit, et que c’étoit à moi à me tenir sur mes gardes. Mais
mon lecteur ne sauroit se figurer ni le chagrin, ni la honte que
ce malheur me causa. Je me regardois comme un homme degradé.
Voici à cause de cet événement un trait qui peut donner une
idée aux curieux de mon étourderie.
Madame Vida, sœur du Major, dont le mari étoit jaloux, me confia un beau matin, se trouvant avec moi tête à tête, non seulement le tourment que causoit à son ame la jalousie de son homme ; mais aussi la cruauté qu’il avoit de la laisser coucher seule depuis quatre ans malgré qu’elle fut à la fleur de son age. Dieu fasse, m’ajouta-t-elle, qu’il ne parvienne pas à savoir que vous avez passé une heure avec moi, car il me desespereroit.