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l’appetit des trois jolies créatures me rend toute ma bonne humeur, et je me determine à me refaire sur les cadettes de l’argent que j’avois dépensé.

Assis tous les trois devant le feu mangeant des marons, je commence à distribuer des baisers ; et Bellino à son tour ne manque pas de complaisance. Je touche, et je baise les naissantes gorges de Cecile, et de Marine, et Bellino, fesant un sourire, ne s’oppose pas à ma main qui entre dans son jabeauot, et empoigne un sein qui ne me laisse plus douter de rien. À ce sein, lui dis je, vous êtes une fille, et vous ne pouvez pas le nier — C’est le defaut de tous nous autres — Je le sais ; mais je m’y connois assez pour en distinguer l’espece. Ce sein d’albatre, mon cher Bellino est le charmant d’une fille de dix sept ans.

Étant tout en feu, et voyant qu’il ne portoit aucun obstacle à ma main qui jouissoit de sa possession, je veux y approcher mes levres béantes, et decolorées par l’excès de mon ardeur ; mais l’imposteur, comme s’il ne se fut aperçu que dans ce moment là du plaisir illicite que j’y prenois, se leve, et me plante là. Je me trouve ardent de colere, et dans l’impuissance de le mepriser, car j’aurois dû commencer par moi. Dans la necessité de me calmer, j’ai prié Cecile, qui étoit son écoliere, de me chanter quelques airs napolitains ; puis je suis sorti pour aller chez le raguséen Bucchetti, qui me donna une lettre à vue sur Bologne en echange de celle que je lui ai presenté. De retour à l’auberge, je suis allé me coucher après avoir mangé en compagnie de ces filles un plat de macaroni. J’ai dit à Petrone de me faire trouver à la pointe du jour une chaise de poste, parceque je voulois partir.

Dans le moment que j’allois fermer ma porte, je vois Cecile, qui presqu’en chemise venoit me dire de la part de Bellino que je lui ferois plaisir le conduisant avec moi jusqu’à Rimini, où il étoit engagé à chanter dans l’opera qu’on devoit donner après Pâques — Vas lui dire, mon petit ange, que je suis prêt à lui faire ce plaisir s’il veut d’abord venir me faire l’autre à ta presence, de me faire voir s’il est fille, ou garçon. Elle va, et elle revient pour me dire qu’il étoit deja au lit ; mais que si je