curiosité que le prêtre eut de voir mon lit, et je ne fus pas moins étonné
que lui voyant la saleté de draps entre les quels j’avois passée la
cruelle nuit. La maudite femme, rejetant toujours la faute sur la
servante, l’assura qu’elle la chasseroit ; mais la servante rentrant
dans le moment, et ne pouvant pas souffrir la reprimande, lui
dit en face que la faute étoit d’elle, decouvrant les lits de mes trois
camarades, dont la malpropreté étoit égale à celle du mien. La
maitresse alors lui donna un soufflet au quel l’autre répondit par
un plus fort prenant d’abord la fuite. Le docteur alors partit me
laissant là, et lui disant qu’il ne m’admettroit à son école que quand
elle m’y enverroit aussi propre que les autres écoliers. J’ai dû alors
souffrir une tres forte réprimande de la Megere qu’elle termina
me disant qu’à une autre tracasserie pareille elle me mettroit
à la porte.
Je n’y comprenois rien ; je ne fesois que de naitre, je n’avois idée que de la maison où j’étois né, et élevé, où regnoit la propreté, et une honete abondance : je me voyois maltraité, et grondé : il me sembloit impossible d’être coupable. Elle me jeta au nez une chemise ; et une heure après j’ai vu une nouvelle servante, qui changea les draps, et nous dînames.
Mon maître d’école prit un soin particulier de m’instruire. Il me fit asseoir à sa propre table, où pour le convaincre que je meritois cette distinction je me suis appliqué à l’étude de toutes mes forces. Au bout d’un mois j’écrivois si bien qu’il me mit à la grammaire.
La nouvelle vie que je menois, la faim qu’on me fesoit souffrir, et plus que tout cela l’air de Padoue m’ont procuré une santé, dont je n’avois pas eu d’idée auparavant ; mais cette même santé me rendoit encore plus dure la faim : elle étoit devenue canine. Je grandissois à vue d’œil : je dormois neuf heures du someil le plus profond que nul rêve troubloit, si non celui qu’il me paroissoit