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d’abord que je saurois qu’il étoit de retour à Bologne, car dans ces momens là il étoit à Venise. M.r Dandolo huit à dix jours après m’envoie une lettre adressée à ce seigneur Bolognois ecrite par un noble venitien nommé Zaguri, et il m’assure que ce meme patricien Zaguri etoit son ami intime. En lisant cette lettre qui étoit à cachet volant je me trouve enchanté par son style : on ne pouvoit pas recomander quelqu’un que le recomandant ne connoissoit pas ni plus noblement ni par des plus adroites tournures. Je n’ai pu m’empecher d’écrire à M. Zaguri une lettre de remerciment dans la quelle je lui disois que je commençois ce jour là à desirer d’obtenir ma grace, et de retourner à Venise pour nulle autre raison que pour connoitre en personne le noble seigneur qui avoit écrit à mon honneur une si belle lettre. Ce M. Zaguri m’a repondu qu’il trouvoit mon desir si flatteur qu’il alloit d’abord travailler pour me faire retourner à Venise. Après deux années et demie de peines, aidé par d’autres il y réussit ; mais j’en parlerai quand je serai là.

M. Albergati arrive à Bologne avec sa femme, et ses enfans ; Severini m’en donne l’avis, je vais le lendemain à son palais pour lui faire passer ma lettre, et le portier me dit que Son Excellence ( car à Bologne ils se donnent tous de l’excellence ) etoit allé à sa maison de campagne où il passeroit tous le printems. les trois mois de l’été. Deux ou trois jours après, je fais atteler des chevaux de poste à ma voiture, et je vais à la maison de campagne de ce monsieur, dont j’ai oublié le nom. C’étoit une charmante habitation sur une eminence. Ne trouvant personne Je monte parce qu’à la porte je ne trouve personne, à sa porte, je monte, et j’entre dans un salon où je vois un seigneur et une jolie dame qui alloient se mettre à table où on avoit deja servi, et où il n’y avoit que deux