pas aller par les longues je ai dû me determiner à en acheter la jouissance.
J’avois beau faire : les femmes ne vouloient plus devenir amoureuses
de moi : il falloit me resoudre à y renoncer, ou à me laisser mettre
en contribution, et la nature me força à prendre ce dernier
parti, que l’amour de la vie me fait enfin rejeter aujourd’huy.
La triste victoire que j’ai remportée m’oblige au bout de ma
carriere à pardonner tout à mes successeurs, et à rire de tous
ceux qui me demandent de conseils, puisque j’en vois d’avance
la plus grande partie point du tout disposée à les suivre. Cette
prevoyance fait que je les leur donne avec plus de plaisir que je
ne ressentirois si j’etois sûr qu’on les suivroit, car l’homme est
un animal qui ne peut être endoctriné que par la cruelle experience.
Cette loi fait que le monde existera toujours dans le
desordre, et dans l’ignorance, q car les doctes n’en forment que
tout au plus la sixieme centieme partie.
La Viscioletta que j’allois voir tous les jours, et que m’avoit fait connoitre le Quarante Dovia, qui passoit pour être un peu fou, me traitoit comme la dame veuve de Florence ; mais la veuve exigeoit des sentimens de respect qu’il me sembloit de ne pas devoir à la Viscioletta qui étoit courtisanne de profession portant le caractere de Virtuosa. En trois semaines je n’avois rien obtenu, et on me repoussoit en riant quand je voulois voler quelque chose. Son amoureux secret étoit Monsignor Buoncompagni Vicelegat. Toute la ville le savoit ; mais il étoit malgrè cela secret, car son caractere ne lui permettoit pas de la courtiser publiquement. La Viscioletta même ne m’en fesoit pas un mystere.
Dans ces jours là j’ai mis en vente mon coupé. J’avois besoin d’argent, et je preferois la vente de ma voiture à celle de quelqu’autre meuble que j’aimois d’avantage. Je l’avois mise au prix de 350 ecus romains. Elle étoit belle, et comode, et elle les valoit. Le maitre de la remise où elle étoit vint me dire que monseigneur le vicelegat en offroit 300 ecus : j’ai resenti en moi