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Le marquis Mosca pouvoit avoir l’age de cinquante ans. Froid par caractere, il n’avoit autre passion que celle de l’étude, et ses mœurs étoient pures. Il avoit fondé une academie, dont il s’étoit reservé la presidence. Sa devise étoit une mouche allusive à son nom de famille Mosca avec ces deux mots deme ce. En effaçant le lettre ce, Musca devenoit Musa. Le defaut unique de ce brave seigneur étoit ce que les moines regardoient comme la plus belle de toutes ses qualités. Il etoit trop chretien. Ce trop de religion ne pouvoit que le faire aller au dela des limites oû nequit consistere rectum. Mais y a-t-il moins de mal à aller au dela, ou à se tenir en deça ? C’est une question sur la quelle je ne prononcerai jamais sentence. Horace a dit nulla est mihi religio, et il commença une ode oû il condamne la philosophie qui l’eloigne de l’adoration des dieux. Tous les trops sont mauvais.

J’ai quité Pesaro enchanté de la belle compagnie que j’y avois vu, et faché de n’avoir pas connu le frere du marquis dont tout le monde m’a fait l’eloge.

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