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toujours embarassantes, exigent des depenses extraordinaires, et sont sujetes à des desordres à cause des evenemens qu’on ne prevoit pas. Je ne porterai au conseil cette affaire que dans trois ou quatre jours que car rien ne presse ; mais c’est vous qui devez vous presser, car d’abord que je publie la chose le gouvernement de Venise en sera dans l’instant informé par votre consul, et tout le corps des marchands par leurs correspondans. Je vint de suspendre l’operation precisement lorsque je serois dans le moment de l’entamer.

J’ai dans l’instant senti tout le merite que je pouvois me faire en fesant parvenir d’abord cette nouveauté aux inquisiteurs d’etat. La marotte du tribunal est celle d’etonner en se montrant informé de tout avant quiquecesoit par des moyens toujours imcomprehensibles. Après avoir fait à S. E. tous les remercimens que je lui devois je lui ai dit que j’allois écrire le rapport que je voulois d’abord envoyer par exprès aux inquisiteurs d’état après le leur avoir fait lire. Il me dit qu’il seroit charmé de le lire, et j’en fus bien aise.

Je n’ai pas diné ce jour là. En quatre ou cinq heures j’ai tout fait brouillon, copie, et copie de copie, et j’ai porté tout au gouverneur, qui fut enchanté de ma celerité. Il trouva tout au mieux. Ce fut alors que j’ai porté mon écriture au consul, la lui donnant à lire sans lui faire le moindre preambule. Il mMe regardant etonné il me demanda si j’etois sûr que ce ne fut une table, car il lui paroissoit impossible qu’une nouveauté de cette espece put lui être inconnue, et inconnue à toute la place de Trieste. Je lui dis de bouche, comme je le disois par ecrit à la conclusion de mon raport, que je garantissois l’authenticité de cette affaire sur ma tête, le priant en même tems de ne pas