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toire divisée en sept volumes. Après avoir achevé cet ouvrage je pensois de publier une traduction en stances de l’Iliade d’Homere, et je ne doutois pas qu’après avoir acheves ces ouvrages il ne seroit difficile d’en donner d’autres. Je ne craignois pas à la fin qu’il pourroit m’arriver de m’exposer au risque de mourir de faim dans une ville où cent ressources y fesoient vivre à leur aise de gens qui n’auroient pu vivre nulle part qu’en demandant l’aumone. Je suis donc parti de Gorice le dernier de l’an 1773, et je me suis logé à la grande auberge sur la place de Trieste le premier de l’an 1774.

Je ne pouvois pas desirer de me voir mieux accueilli. Le baron Pittoni, le consul de Venise, tous les conseillers, les negocians, les dames, et tous ceux qui composoient le casin de la ville me revirent en me donnant le plus vives marques du plaisir qu’ils avoient à me revoir. J’y ai passé le carnaval dans la plus grande gayeté, jouissant d’une santé parfaite, sans interromptre l’histoire des troubles de la Pologne, dont j’ai publié le second tome au commencement du careme.

Le premier objet qui m’interessa à Trieste fut la seconde actrice de la troupe de comediens qui y jouoit. Je fus surpris d’y voir cette Irene fille du pr soit disant comte Rinaldi, dont mon lecteur doit se souvenir. Je l’avois aimée à Milan, je l’avois negligée à Genes à cause de son pere, et je lui avois eté utile à Avignon où je l’avois tirée d’embaras avec l’approbation de Marcoline. Onze ans s’etoient ecoulées sans que j’eusse jamais su ce qu’elle etoit devenue.