les marques de la plus vive reconnoissance ; mais je les ai priées en vain
de les chausser à ma presence. J’eus beau leur dire qu’il n’y avoit aucune
difference essentielle entre les jambes d’une fille, et d’un homme,
que cela ne pouvoit pas même etre un peché veniel, que leur confesseur
les auroit en lui même traitées de sottes si elles lui racontoient eussent confessé
cela comme un crime qu’elles me repondirent toujours d’accord, en
rougissant que cela ne pouvoit pas être permis à des filles aux quelles
on n’avoit donné des jupes à difference des hommes pour nulle autre
raison que pour leur aprendre qu’elles ne devoient jamais les soulever de terre. les
J’aurois pu leur répondre que les jupes n’étoient faites que pour être troussées. La
soulever de terre. La contrainte avec la quelle Emilie m’allegueoit
ces raisons qu’Armelline approuvoit me demontroit que ce n’étoit ni
artifice, ni coqueterie qui la fesoit parler ainsi ; mais education, et
sentiment d’honeteté. J’ai cru qu’elle croyoit qu’en agissant autrement
elle se seroit degradée dans mon esprit, et que j’aurois conçu d’elle
une opinion tres desavantageuse. Elle avoit pourtant vingt sept,
à vingt huit ans, et elle n’étoit pas preoccupée par un devotion
excessive. Pour ce qui regardoit Armelline, je voyois qu’elle avoit honte
à être moins exacte à ses devoirs que son amie : il me sembloit qu’elle
m’aimoit, et que tout au contraire de plusieurs autres filles il me seroit
moins difficile de la reduire à relacher quelque chose sur sa morale en
cachete d’Emilie qu’en sa presence.
J’en ai fait l’essai un matin qu’elle parut à la grille me disant qu’Emilie alloit descendre tout à l’heure. Je lui ai dit que en l’adorant je me trouvois le plus malheureux des hommes, car étant marié je ne pouvois pas esperer de l’epouser, et de parvenir par là à l’avoir entre mes bras pour l’indonder toute entiere de mes baisers. Est il possible, lui disois-je, que je puisse vivre n’ayant autre soulagement que celui de baiser vos belles mains ? À ces paroles exprimée avec tout le feu de la passion, elle fixa ses beaux yeux contre les miens, et après avoir un peu pensé elle se mit à baiser mes mains avec le même empressement que j’avois quand je baisois les siennes. Je l’ai priée d’approcher sa bouche à la grille ; elle rougit, elle baissa ses yeux, et n’en fit rien. Je m’en suis plaint amerement ; mais toujours en