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à mon service.

Elle me dit qu’elle avoit deviné qu’il m’avoit volé, que deux qu’il avoit quité sa femme deux ans après l’avoir epousée, il avoit qu’on ne savoit pas où il étoit, et qu’elle étoit à Rome dans la misere, son pere etant mort. Je ne me suis pas soucié de l’aller voir, car je n’aurois pu faire autre chose que l’affliger en l’assurant que je ferois pendre son mari par tout où je le trouverois. C’étoit l’intention que j’ai toujours conservé jusqu’à l’année 1785 dans la quelle je l’ai trouvé à Vienne valet de chambre du comte Erdich. Dans quatorze ans d’ici, quand nous serons là, le lecteur saura ce que j’ai fait. J’ai promis à Mariuccia d’aller lui faire une visite en quareme, et de faire des cadeaux à ses enfans, et principalement à l’ainée, qui, selon Mariuccia, devoit m’interesser plus que les autres.

Amoureux d’Armelline, et malheureux, je fesois pitié à la princesse Santa Croce, et au Cardinal de Bernis que j’amusois souvent en leur raccontant en detail toutes mes souffrances. Le cardinal dit à la princesse qu’elle pourroit bien me faire le plaisir d’obtenir du Cardinal Orsini la permission de conduire à l’opera, ou à la comedie Armelline, et qu’étant de la partie je pourrois par mes attentions me la rendre moins severe. Il lui dit qu’elle ne devoit pas douter de la complaisance du Cardinal, puisqu’Armelline n’étoit pas ni religieuse, ni sujete à aucun vœux, et qu’etant necessaire de la connoitre qu’elle la connut avant que de lui faire cet offre, cela pouvoit se faire dans un moment. Vous n’avez qu’à dire au Cardinal que vous êtes curieuse de voir l’interieur de la maison — Me la donnera-t-il ? — Dans l’instant ; car la cloture qu’il y a n’est qu’une cloture de police. Nous irons avec vous — Vous y viendrez aussi ? C’est une partie charmante — Demandez au Cardinal la permission, et après nous etablions l’heure.

Il me paroissoit de rever en entendant ce beau projet : j’ai vu