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Ce fut alors qu’elles rirent. Que dira maman, que dira maman ? J’ai vite payé tout ce qui étoit écrit, en recompensant bien le valet, et je les ai conduites à leur couvent, où la portiere fut tres contente de la reforme de la maison quand elle reçut deux cequins. L’heure étant tres trop indue pour monter, je me suis d’abord rendu chez moi, d’ou j’ai renvoyé l’equipage de la princesse avec la plus grande satisfaction du cocher, et du laquais. Mais celle qui fut satisfaite fut Marguerite qui m’auroit arraché les yeux, si je ne l’avois pas convaincue à reprises de ma grande fidelité. Je lui ai dit, et elle dut le croire que je m’etois engagé jusqu’à cette heure là dans une partie de jeu.

Le lendemain j’ai egayé la princesse, et le cardinal en leur fesant la narration en detail de tout ce que j’avois fait. La princesse dit que j’avois manqué le moment ; mais le Cardinal trouva que je m’étois menagé une pleine victoire pour une autre fois.

Je suis allé au couvent pour savoir ce que la superieure vouloit, et ce que je pouvois faire pour Emilie. Cette bonne superieure me reçut me fesant compliment sur ce que j’avois su me divertir avec ses deux filles jusqu’à trois heures du matin sans avoir rien fait avec elles qui ne fût tres honete. Elles lui avoient dit de quelle façon nous avions mangé cinquante huitres ; et elle trouva le jeu tres innocent. Après ce prologue elle me dit que je pouvois rendre heureuse Emilie en engageant la princesse à lui procurer une dispense des publications de son mariage avec un marchand qui demeuroit à Civita vecchia, et qui l’auroit epousée depuis long tems sans la necessité de ces publications, puisqu’une femme vivoit qui pretendoit qu’elleil devoit l’epouser sans