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nouvelles du marquis, de sa belle mere, d’Anastasia, me disant charmé de recevoir des lettres de la marquise, de la quelle j’attendois une reponse depuis un mois — C’est precisement la reponse à votre lettre dont cette charmante dame m’a crée porteur — Il me tarde de la lire — Je peux vous la donner d’abord sans prejudicier au plaisir que j’aurai demain de vous voir chez vous. Je viens vous la porter dans votre loge, si vous me le permettez — Je vous en prie — Il auroit pu me la donner de la main à main là ou il étoit ; mais n’importe.

Il entre ; je lui cede ma place près d’Armellina ; il tire de sa poche un portefeuille, et il me remet la lettre. Je l’ouvre, je la vois de quatre pages, je lui dis que je la lirai chez moi, puisque la loge étoit obscure, et je la mets dans ma poche. Il me dit qu’il resteroit à Rome jusqu’après Paques, puisqu’il vouloit tout voir, malgrè qu’il ne pouvoit pas esperer de voir quelque chose de plus beau que ce qu’il avoit devant ses yeux.

Armelline qui le regardoit tres attentivement rougit, et detourne sa tete, et pour ce qui me regarde je me trouve piqué, et d’une certaine façon insulté par ce compliment qui etoit que je trouve poli, mais aussi insolent qu’inattendu. Je ne lui reponds rien, et je decide que le ce beau garçon devoit etre un fat étourdi de la premiere classe. Nous voyant devenus muets, il s’apperçoit qu’il m’avoit choqué, et après avoir batu la campagne avec des propos sans liaison, il s’en va alla.

Je fais d’abord mon compliment à Armellina du beau coup qu’elle avoit fait dans l’espace d’une demie heure, et je lui demande ce qu’elle pense du personnage qu’elle avoit si bien