Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/100

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bileté de faire trouver de l’argent aux jeunes gens par des mauvaiſes affaires : nous nous connoiſſions, ainſi nos complimens furent ceux de ſaiſon. La compagnie de cet homme n’étoit pas faite pour me faire plaiſir ; mais il falloit avoir patience : on l’enferma. Il dit à Laurent d’aller chez lui pour lui porter ſon dîner, un lit, et tout ce qu’il lui falloit, et il lui répondit qu’ils parleroient de cela dans le jour ſuivant.

Ce juif qui étoit ignorant, bavard, et bête, excepté dans ſon métier, commença par me féliciter de ce qu’on m’avoit préféré à tout autre pour me donner ſa compagnie. Je lui ai offert pour toute réponſe la moitié de mon dîner, qu’il refuſa en me diſant qu’il ne mangeoit que du pur, et qu’il attendroit à bien ſouper chez lui ; car il n’étoit pas vraiſemblable qu’on eût laiſſé ſans lit, et ſans manger un homme comme lui, ſi l’on n’eût pas eu l’intention de le renvoyer d’abord chez lui. Je lui ai dit qu’on en avoit agi de même avec moi ; et il me répondit modeſtement qu’il y avoit entre lui, et moi quelque différence. Il me dit ſans myſtère que les inquiſiteurs d’état devoient ſûrement s’être trompés en ordonnant ſa capture ; qu’ils devoient