Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/112

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parvenu dans trois ſemaines à la parfaitte diſſolution de trois planches ſous lesquelles j’ai trouvé le pavé incruſté de pièces de marbre qu’on nomme à Veniſe terrazzo marmorin. C’eſt le pavé ordinaire des appartemens de toutes les maiſons de Veniſe qui n’appartiennent pas à des pauvres gens : les grands ſeigneurs mêmes préfèrent le terrazzo au parquet. Je me ſuis vu conſterné, lorsque j’ai trouvé que mon verrou n’y mordoit pas : j’avois beau appuyer, et pouſſer, ma pointe gliſſoit : cet incident m’abattoit l’eſprit. Je me ſuis ſouvenu d’Annibal qui ſelon Tite-live s’étoit formé un paſſage à travers les Alpes en briſant à coups de hache les durs cailloux, qu’il rendoit tendres à force de vinaigre ; choſe que j’avois trouvée incroyable, non pas par la force de l’acide, mais par la prodigieuſe quantité de vinaigre qu’il auroit dû avoir. Je croyois qu’Annibal avoit réuſſi à cela acetta, et non pas aceto, erreur que les premiers copiſtes de Tite-live pouvoient avoir faite par incurie. J’ai tout de même verſé dans ma concavité une bouteille de fort vinaigre que j’avois, et le lendemain ſoit l’effet de ce vinaigre, ſoit une plus grande patience de ma part j’ai vu que j’en viendrois