Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/123

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d’oublier totalement le mien dans tout le tems qu’il paſſa avec moi.

Le lendemain à la pointe du jour Laurent porta du café, et dans un grand panier le dîner du comte abbé, qui ne concevoit pas comment on pût ſuppoſer qu’un homme auroit envie de manger à cette heure là : nous nous promenâmes dans le galetas tandis qu’on ſervit les autres ; on nous renferma après. Les puces, qui impatientoient l’abbé, furent la cauſe qu’il me demanda pourquoi je ne faiſois pas balayer. Je n’ai pu ſouffrir ni qu’il me croie un cochon, ni qu’il imagine que j’euſſe la peau moins ſenſible que la ſienne : je lui ai tout découvert, et même fait voir. Je l’ai vu ſurpris, et mortifié de m’avoir d’une certaine façon forcé à lui faire cette importante confidence. Il m’encouragea à travailler, et à terminer l’ouverture dans la journée, s’il étoit poſſible pour me descendre lui-même, et retirer ma corde, puisque pour lui il ne ſe ſoucioit pas de rendre ſon affaire plus grave par une fuite. Je lui ai fait voir le modèle d’une machine par laquelle j’étois ſûr que lorsque je me ſerois descendu, je tirerois à moi le drap qui m’auroit ſervi de corde : c’étoit une petite baguette attachée par